Ody Saban
ENQUETE SUR LA SOCIOLOGIE DU VITREUR QUARANTE SIX ANS APRES.
Les citations en italiques sont des titres des tableaux de Matta qui illuminent pour moi mon texte.
1. Aujourd’hui le Vitreur c’est la moelle du feu. Ici, « Mr feu, Mange! » La mer gonfle, sursaute, est chaude. Le coucher du soleil commence juste à l’instant. Des fenêtres, dans les cieux, accrochées les unes aux autres comme des dragons, tournent autour du soleil, qui est encore tout rond.
Des graines en multi lumières se répandent partout. Un nouveau feu intelligent, qui réinvente l’extérieur et l’intérieur des êtres, danse, et commence à incendier la plage. La mer aussi prend feu en une électricité flamboyante.
Le monde entier est un feu de volcan et grogne. Cet incendie fait du bien, fertilise le cerveau, l’aorte et le cœur, « Semeur d’incendie ».
2. « Éros enfant »: du Vitreur, c’est à dire du plus profond du feu, qui ne brûle pas, mais qui nourrit jaillit une danse aux sons des flûtes, des sikus en bambou, des maracas, des cymbales.
Cela commence comme ceci: sur les pieuvres bibliothèques, des livres s’ouvrent page par page, des lettres de feu de toutes les langues anciennes, actuelles et d’alphabets inventés sortent des mots qui voltigent dans l’atmosphère, autour des gens, dans la joie. Des mots inventés sont partout.
Les îles et les continents de la carte du monde, peint en fresque sur les vitres, se balancent d’étoiles à étoiles, en avant et en arrière, de haut en bas, au rythme de la musique, avec des tapis volants. Tout passe de fleurs en fleurs, des feuilles en feuilles.
Des millions d’yeux battent de leur flamme comme en bat des ailes. Ils s’envolent, comme des papillons et tous ensembles forment d’immenses monstres, architectes filiformes, fantomatiques, de la taille d’un immeuble de cinquante étages, de verre et d’acier, qui s’amusent à faire des pirouettes dans les sables.
Ils construisent une tour faite de danseurs qui créent une toute nouvelle fertilité surréelle.
3. Le Vitreur fait flamber « les plaisirs de la présence » et la couleur des fleurs. Sur un pissenlit, « Étoile des jardins », des gens qui vivent nus, se construisent des arcs en ciels, aux sons des djembés. Sur les tiges, sont allongés des lacas de pan en roseau. Sur la tour « à l’intérieur d’une rose », il y a d’autres roses, et des gens vivent sur les pétales, où sont accrochés des tic- tac drums.
Dans les tiges des toboggans, des bébés font des sauts, des bonds, glissent en rigolant, battant des mains et tapant, de leurs pieds des bourgeons.
Dans les racines, habitent des roses, de couleur noire, très brillantes, qui sautillent et font des sursauts de vitres vies et de vies vitres.
4. « Le Vitreur quarante ans après », qui a les « Science, Conscience et Patience du Vitreur », s’est spécialisé dans la fabrication et le maniement de miroirs gongs et de miroirs tambours. Ceux- ci ont la qualité de pouvoir projeter des images en leur donnant vie, et dansent, dansent, dansent!
Des vitraux, feuilletés, trempés, dépassent les performances thermiques et acoustiques de la foudre. Ce sont les enfants jouant à la balle dans « la maison dansante » qu’est le monde. Chaque morceau reflète des multitudes couleurs éblouissantes et réinventent une nouvelle danse pour la terre, le soleil, les abeilles, les humains, les grands transparents, les rêves de soie. C’est « La vitre du fond des terres »: « Vertige d’Éros ».
5. Désormais le Vitreur ne crée plus de la vitre, mais de la vie et de la mort mouvante, exclusivement et danse, danse, danse : « Omnipuissance du rouge ».
Pour un nid de caresse
« Nous qui n’avons inventé ni la poudre ni la boussole, mais nous sans qui le monde ne serait pas le monde (…) » écrit Aimé Césaire dans « Cahier pour un retour au pays natal ». Ce NOUS ce sont les Noirs bien sur – mais qui osera dire que je suis Blanche ?- Et ce Nous ce sont aussi tous les peuples réduit en esclavages ou aux colonialismes tous abjectes, aux génocides ou encore soumis aux multiples exploitations des femmes et des enfants. Tous ces Nous prêt à se dresser !
Eux ceux sont les œufs vides, pâles et interminables fabricants de poudre à fumer ou à exterminer les financiers de la boussole pour mettre les continents à sac avec les fleurs rouges, les fruits, les oiseaux, les arbres, les chants, les danses, les masques, l’or, les diamants, les singes pour les laboratoires, les métaux rares pour fuser à violer Venus. « Encore un peu de pétrole et de café transgénique monoculturé, Monsieur Dupontmouton Vampire ? » Il est temps que nous revenions tous au pays natal commun qui est celui de la révolte mûrie sous les plus grands soleils, lucide, contre tout ce qui tue le verbe aimer.
Partout dans le monde l’esclavage qui n’a jamais était vraiment aboli pousse toujours plus loin ses racines venimeuses.
Par delà les nouveaux négriers aux nasaux de titane et blanchisseur de blanc, malgré tout toujours gris, renouant avec le grand rire Africain. Avec les Zapatistes (Ya Basta ! Tout pour tous, rien pour nous ! Notre révolte a d’abord tout le sérieux d’un jeu d’enfant. Le dernier à s’extraire de la barre d’or virtuel et de sang humain aura perdu un tam tam pour son cœur un soleil pour ses chaussures ou ses pieds nus et une dense pluie de feuilles vertes luisantes pour son grand lit de caresses.